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Course pour la montre à La Chaux-de-Fonds

Formation -
18 février 2011


Course pour la montre à La Chaux-de-Fonds
La matinée est fraîche à La Chaux-de-Fonds. Un grand immeuble des années 50-60 flanqué d'une bande de gazon se présente au détour d'une rue. Ici, quelques institutions importantes de la branche horlogère, dont l'institut suisse des chronomètres, ont leur siège. La succursale de l'entreprise Kelly se trouve au 2e étage. Gerardo Forino et Caroline Kaelin nous réservent un accueil cordial. Nous laissons nos affaires dans un petit bureau puis entrons dans une salle bien illuminée où des personnes assises devant trois installations apprennent à travailler avec des outils horlogers. Aujourd'hui, seules des jeunes femmes font le test qui requiert de la dexterité et une grande minutie. Concentrées sur leurs tâches, elles ne se laissent pas déranger par les explications de l'instructeur à notre égard.
Le renouveau de l'industrie horlogère
"Depuis le premier semestre 2010, l'industrie horlogère est en pleine croissance. On constate même que les entreprises avancent des exportations records. La crise horlogère, qui était liée à la crise économique mondiale est passée", indique Gerardo Forino, responsable de la succursale chaux-de-fonnière de Kelly Services.
Cette reprise marquée favorise l'engagement de nouveaux collaborateurs aux profils variés. "Si vous avez la chance de visiter une usine, vous verrez que de nombreuses professions y sont réunies : cela va des métiers de base aux métiers très artistiques, qui ressemblent beaucoup à la broderie ou à la bijouterie, c'est extraordinaire !", s'enthousiasme notre interlocuteur. Même si, pour assurer une meilleure productivité, les entreprises cherchent aujourd'hui à mécaniser un maximum d'opérations, l'industrie horlogère ne pourra jamais se passer du savoir faire humain nécessaire à l'accomplissement de tâches minutieuses. Un constat d'autant plus vrai pour le marché helvétique.
Le luxe : marque de fabrique suisse
Gerardo Forino déclare qu'"en Suisse, on ne se consacre quasiment qu'au haut et, dans une moindre mesure, au moyen de gamme alors que les produits bas de gamme sont réalisés en Chine et dans d'autres pays." Il évoque également la longue tradition suisse dans ce domaine et son nouvel élan : "L'industrie horlogère suisse existe depuis au minimum 300 ans, ce qui est très valorisant. Pendant des années, la branche était un peu tombée dans l'oubli mais, depuis maintenant 20 ou 30 ans, on reparle de l'horlogerie suisse. C'est quand même réjouissant! L'industrie horlogère est redevenue une valeur ajoutée extraordinaire pour notre pays."
Des tests pour ne pas briser les chaînes
Fruit d'une collaboration entre l'entreprise Kelly Services et plusieurs manufactures de la branche, un département horlogerie a été mis sur pied à la Chaux-de-Fonds dans les années 1994-1995. Il s'est développé et, depuis 2008, différentes autres succursales de la société spécialisée dans le recrutement proposent des tests dont le but est de fournir une main-d'oeuvre rapidement opérationnelle aux sociétés mandataires. "L'objectif de l'industrie est la production.  Nos clients n'ont pas la structure pour intégrer les personnes, leur donner des informations et attendre qu'ils soient productifs. Le collaborateur doit être operationnel tout de suite", précise Gerardo Forino. Cette nécessité s'explique par le mode fonctionnement en vigueur dans la branche horlogère : "Toute action dépend des chaînes de travail -poste x dépend du poste y-. Si quelqu'un n'arrive pas à effectuer sa tâche, le partenaire ne peut pas avancer. Une telle situation cause des tensions dans la chaîne. Les tests permettent d'éviter ce genre de cas de figure en sélectionnant des personnes capables d'assumer leur rôle sur le champ", commente le responsable de succursale. Retour dans les locaux chaux-de-fonniers pour se rendre compte des modalités de l'évaluation.
Compétences diverses passées au crible
Les candidates sont réparties sur trois stations. Les candidates sont réparties sur trois stations. La première demande de s'habituer à regarder à travers les deux objectifs d'un binoculaire pour avoir une vision en trois dimensions. Il faut ensuite, en actionnant les petites roues pour régler sa vue, faire que la pointe de l'essieu soit le point le plus net et poser des petits rubans saisis avec une brucelle sur cet essieu.
Le deuxième poste a trait au maniement du tournevis horloger. La tâche à accomplir ? Dévisser puis remettre ensemble les éléments de bracelets en acier. L'insertion des chiffres sur un cadran au moyen d'une brucelle fait l'objet du troisième et dernier atelier.
En regardant les personnes à l'oeuvre, on peut se réjouir que cette culture du travail soit encore vivante, mais on ne saisit pas de prime abord les travaux à effectuer. Lorsque l'instructeur m'invite à réaliser ces opérations délicates, j'ai d'abord bien sur des difficultés à chaque poste. Mais les quelques tuyaus reçus me permettent, à mon grand étonnement, de me débrouiller assez bien. Je ne perds cependant pas de vue qu'il faut avoir de la patience et de l'endurance pour mener à bien ces tâches plutôt artistiques pendant 8 heures.
Des évaluations ouvertes à tous
Parmi les gens désireux de suivre cette préformation horlogère, "beaucoup n'ont jamais utilisé de tournevis. Il y a aussi des universitaires qui n'ont pas trouvé de travail, des frontaliers ou des femmes qui entrent dans le marché du travail", explique Gerardo Forino. En moyenne 400 personnes sont évaluées chaque année, avec un temps de passage variable. "Les tests durent de 10 minutes à 2 heures, selon le besoin du client. Les candidats se montrant très habiles ne doivent pas tous les faire. En revanche, si quelqu'un a la volonté et qu'il n'arrive pas à réaliser les opérations, on prend le temps pour l'aider à apprendre comment faire le travail", indique notre interlocuteur. A noter que les tests comportent deux aspects : l'évaluation des aptitudes et une formation de base. Hormis les compétences techniques, les facteurs psychologiques que sont la faculté à comprendre les instructions, l'écoute et la motivation sont pris en considération.
"90 à 100% des candidats qui passent les tests sont engagés chez un client. Et très souvent -dans 80 à 100% des cas-, ils signent un contrat fixe après une certaine période. Au minimum 90% des personnes restent et se voient alors offrir de belles perspectives", conclut Gerardo Forino.
 
Article à paraître également dans le prochain numéro de Persorama

MF et LP

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